France Télécom doit renaitre

Autant calmer les esprits, derrière ce titre assez radical, je ne souhaite pas un retour à un monopole national ou une entreprise d’état.

Un peu d’histoire : Avant 1980, chaque nouveau client devait payer le câblage depuis le point le plus proche de chez lui (parfois plusieurs kilomètres). Ensuite, ses voisins n’avaient plus qu’à se faire raccorder sur les quelques dizaines de mètres restants. Alors que la téléphonie fixe était peu répandue, le gouvernement de l’époque lance un plan de déploiement impliquant France Télécom, qui était une entreprise de service public. Le déploiement du cuivre sur tout le territoire a permis aux français de pouvoir communiquer par téléphone. Puis, au début des années 2000, l’infrastructure déjà en place a permis un déploiement massif d’Internet, via l’ADSL. A ce titre, France Télécom a gardé un rôle de concessionnaire, afin d’entretenir le réseau utilisé par la concurrence.

Dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, d’autres secteurs comme le gaz (Engie / GRDF), l’électricité (EDF / Enedis) ou les transports (SNCF Réseaux / SNCF Mobilité) ont séparé l’infrastructure et la vente de service. Ce n’est pas le cas dans le domaine des télécoms. Aujourd’hui, à part le réseau cuivré utilisé par l’ADSL, chaque opérateur déploie son réseau en concurrence des autres, ce qui pose deux problèmes (dus à la recherche de rentabilité) :

  1. Dans les zones bien desservies, on a plusieurs réseaux concurrents déployés. Ce sont les clients qui ont payé le déploiement parallèle de ces réseaux (n’oublions pas que l’opérateur déploie si les clients sont présents).
  2. Dans les zones moins rentables (en gros les zones rurales, ou les opérateurs doivent investir plus pour couvrir de grandes zones avec moins de clients), c’est l’inverse qui se passe. Le service n’est fourni que bien plus tard, voire pas du tout.

Exemple personnel : Je suis client Bouygues pour mon mobile depuis 2015, après 16 ans chez Orange. La raison de ce changement n’est pas financière. C’est juste qu’Orange a « arrêté » de couvrir ma zone. Travaillant pour un de leurs fournisseurs, j’avais pu obtenir une carte de couverture. Le résultat ? Des « trous » sur une zone de 10 Km2. L’objectif d’investissement ? Aucun, car « zone non rentable » (je cite la conclusion de l’étude de couverture). Je suis donc parti voir ailleurs. Il est évident que, dans une grande ville, je ne me serais jamais posé ce type de question.

De plus, dans certains cas comme dans le métro de Paris, ce sont des « coûts cachés » qui freinent le déploiement. Il faut savoir que les acteurs publics doivent parfois louer l’espace qui héberge leurs infrastructures. Pourtant, l’union européenne garantit qu’on doit pouvoir disposer d’Internet partout.

Cette situation est valable tant pour le déploiement de la fibre que des réseaux mobiles. Le vrai problème n’est pas la privatisation de l’entreprise, mais la bascule d’une entreprise de service public vers une entreprise financièrement rentable.

Alors, pourquoi faire renaitre France Télécom ?

  • Il s’agirait d’un consortium d’opérateurs sous le contrôle d’un acteur public (comme l’ARCEP). Le but serait de coordonner le déploiement des infrastructures, et de mutualiser les ressources.
  • Cela permettrait d’éviter les déploiements parallèles de réseaux comme on le voit aujourd’hui (du genre « Mon immeuble est fibré Orange. Je suis chez Bouygues Je dois attendre ou changer d’opérateur »). Maintenant, la plupart des opérateurs signent des conventions mutuelles de raccordement.
  • Cela permettrait aux opérateurs de profiter d’un plus grand panel de technologies. On a fibré en masse dans des zones où le FTTLA pouvait déjà fournir du très haut débit. En 2006, on profitait de 30 Mbps descendant et 5 Mbps montants. Ce n’est pas la fibre, mais c’est équivalent à un VDSL2. Ce réseau était déployé dans des villes de toute taille, de 10 000 à 500 000 habitants. Bouygues s’appuyait sur cette infrastructure pour fournir du service dans des immeubles non fibrés. Cet accord a été rompu lors du rachat de Numericable par SFR, ce qui a obligé Bouygues à déployer son propre réseau.
  • L’économie d’investissement faite dans les zones denses (et rentables) permettrait de déplacer ces investissements vers les zones « moyennement denses » et rurales.
  • Une organisation des déploiements en plus gros volume réduirait les coûts.
  • La fourniture des infrastructures par un consortium commun permet aussi d’améliorer la concurrence. En effet, la différence se ferait au niveau des prestations rendues, plus selon un choix « par défaut » (voir mon exemple personnel cité plus haut).
  • On pourrait coordonner le déploiement du réseau en outremer de la même manière qu’en métropole.

Si faciliter la concurrence passe par la séparation infrastructure / vente de services, ce mouvement est nécessaire dans le télécoms. D’autant plus que les enjeux économiques existent. La migration vers l’omnicanal (j’achète sur Internet, je me fais livrer en magasin ou chez moi), la numérisation des services publics, imposent un accès internet efficace partout en France. Les entreprises, comme les particuliers, en ont besoin.

Edit 16/12/2019 : le gouvernement s’apprêterait à soutenir une initiative du genre pour le déploiement de la fibre optique. Une réponse au rachat de Covage par SFR ?

80 km/h : réduire la vitesse pour réduire les coûts d’entretien

Dans le cadre de la lutte contre la mortalité sur les routes, le gouvernement a choisi de réduire la vitesse sur le réseau routier secondaire à partir de juillet 2018. Le principe : réduire de 90 à 80 km/h la vitesse sur les nationales. Cette réduction de 10 km/h est censée être « indolore » pour les automobilistes.

Bien sûr, si cela réduit vraiment le nombre de morts, c’est utile, mais :

Au final, le choix du gouvernement de réduire la vitesse me semble être une solution de « déchargement » du problème de fond, l’entretien du réseau. Cette « expérimentation » est censée être « réévaluée » dans deux ans. N’étant pas dupe, je m’attends plutôt à ce qu’on nous réponde : « maintenant que vous êtes habitués, c’est définitif ». Pendant ce temps, les budgets routiers seront plus attribués à l’installation de nouveaux radars fixes qu’a l’entretien des routes dégradées.

Autorisons le retrofit sous certaines conditions

Dans le domaine de la course automobile, le swap consiste à remplacer un moteur ou de la boite de vitesses. Pour des raisons de sécurité routière, la France est le seul pays européen à fortement limiter (pour ne pas dire interdire) cette pratique. Mais dans une démarche de développement durable, cela limite le « retrofit », qui consiste à swapper vers un moteur plus récent (donc plus propre), ou à changer d’énergie (full électrique ou hybride).

Je garde toujours l’exemple d’un Renault Modus 1.4 16S de 2004. Sur la fin de la production (2007), un nouveau moteur 1.2 TCe, moins gourmand, est sorti.

Ai-je le droit de swapper ?

NON. Dans les grandes lignes, voici ce que ça impose :

  • Je dois passer au DRIRE et refaire la carte grise. C’est normal de faire valider ce changement.
  • Le changement d’énergie est interdit. Dans mon cas, je reste à l’essence. Mais dommage pour tous les propriétaires de la version diesel qui font 8000 kilomètres par an uniquement en ville.
  • Remplacer un moteur impose aussi de remplacer la boite de vitesse et les trains roulants (la « chaîne de transmission » complète). Dans mon cas, ce sont les mêmes donc pas de problème.
  • La motorisation doit être disponible à la vente l’année de production du véhicule. C’est là que ça coince. Ma voiture est ancienne, donc considérée comme polluante. Mais comme elle est ancienne, je n’ai pas le droit de « l’actualiser » ou « la rafraîchir » par un moteur plus récent. Pourtant, ça s’inscrit dans une démarche de lutte contre la pollution, pas dans un but de performances. 

Quel intérêt ?

Dans le cas que je viens de citer, c’est vrai qu’il est plus facile de changer de véhicule, si mes finances me le permettent. Mais dans le cas de véhicules utilitaires légers (4×4 en milieu agricole, camionnette de livraison), la question se pose. Certains véhicules ne sont parfois disponibles qu’en diesel, même en 2019, ce qui n’est plus forcément adapté aux besoins des usagers.

Les industriels pourraient y voir une concurrence à la vente de nouveaux véhicules, mais ce serait pourtant leur offrir une « troisième vie », porteuse de nouveaux emplois :

  • Marché du neuf.
  • Marché de l’occasion.
  • Marché de la transformation.

Plutôt que de m’étendre sur le sujet, je vous laisse lire cet excellent article qui a été la base de ma réflexion.

Edit 07/01/2020 : La France vient de présenter une loi cadre à la commission européenne. Sachant que la France était le dernier pays à l’interdire, il n’y a aucune raison que cette loi soit invalidée.

Crit’Air : une idée fumeuse imaginée par des ignorants de l’automobile

Dans le cadre de la réduction de la pollution en milieu urbain, une vignette à poser sur le pare-brise différencie les véhicules : Crit’Air. Ça pourrait être une bonne idée. Sauf que les concepteurs de cette solution ont dû oublier quelques détails :

Sur les critères discriminants

  • Un classement arbitraire, aligné sur les normes Euro, et basé sur l’année de construction du véhicule. Mais en général, les constructeurs remplacent leurs motorisations au moment du remplacement ou du restylage d’un véhicule, créant des incohérences.
    Un exemple avec le Modus de Renault :
    • 1.4 16S de 2004 : Crit’Air 3.
    • 1.4 16S de 2006 : Crit’Air 2 (pourtant c’est le même ensemble moteur/boite qu’en 2004).
    • 1.2 TCe de 2007 : Crit’Air 2 (pourtant le nouveau moteur applique la nouvelle norme Euro).

      Autre exemple avec une Peugeot 106 phase 2 :
    • 1.0 essence immatriculée entre juillet 1996 et le 31 décembre 1996 : Hors Crit’Air.
    • 1.0 essence immatriculée à partir du 2 janvier 1997 : Crit’Air 4.
  • Le classement ne prends pas en compte le vrai niveau de pollution du véhicule. Ainsi, une Bentley Continental GT de 2016 (Crit’Air 1) est considéré comme moins polluante qu’une Renault Twingo de 2001 (Crit’Air 3).
  • Au début du déploiement, le classement ne tenait pas compte des hybrides ou des GPL / E85. Une Prius de 2005 était classée Crit’Air 3, donc considérée comme plus polluante qu’un diesel de moins de 10 ans. Pourtant, la plupart des régions appliquent une fiscalité avantageuse pour ces véhicules. Le cas cité sur ce forum est loin d’être isolé. Depuis, le classement prend en compte ces motorisations.
  • Dans le même genre, un véhicule équipé pour le E85 d’origine est classé Crit’Air 1, quelque soit sa date de production. Si un usager équipe sa voiture d’un kit de conversion, la vignette Crit’Air reste alignée sur la date de production. Pourtant, le propriétaire du véhicule doit faire modifier sa carte grise.
  • Un traitement différent pour les poids-lourds et les motos : sur les 20 dernières années, des progrès plus ou moins efficaces ont été faits pour limiter la pollution des véhicules légers (avec un ralentissement ces dernières années). Mais pour les poids-lourds, les normes n’ont pas été révisées de la même manière. Et les critères de classement ne sont donc pas les mêmes.

Sur l’usage

  • Dans certaines zones urbaines, on peut interdire la circulation et le transit d’un véhicule qui passe les tests anti-pollution imposés par le contrôle technique.
  • Lors d’un pic de pollution aux particules fines, on exclut les vignettes Crit’Air trop anciennes. On laisse donc rouler les diesel récents, qui en émettent. On laisse aussi rouler les bloc essence « downsizes », qui en émettent aussi. Mais pas les vieux essences atmosphériques, qui n’en émettent pas ou peu.
  • La vignette n’apporte aucune information supplémentaire par rapport à la plaque d’immatriculation. Sur les sites Internet spécialisés comme Norauto ou Oscaro, la plaque d’immatriculation permet de retrouver directement les mêmes informations sur le véhicule que la vignette Crit’Air. Une lecture automatisée des plaques (comme pratiquent déjà certaines villes) donnerait exactement le même résultat.

Au terme de ces quelques remarques, on constate que ce système est inutile. Si on avait apposé cette vignette au moment du contrôle technique, le résultat serait déjà différent. Ca aurait valorisé un véhicule ancien, mais parfaitement entretenu, plutôt qu’un véhicule récent, mais « peu soigné » par son propriétaire.

Au final, il s’agit d’une nouvelle taxe au moment de l’édition de la carte grise du véhicule. La lutte contre la pollution dues aux transports ne passera pas par ce type de solution discriminante.

Taxes sur le gasoil : une chasse aux sorcières après trente ans d’erreurs

Les gens sont abasourdis par l’augmentation des taxes sur le gasoil, mais ça fait près de quinze ans que les différents gouvernements tentent de le faire. Le reportage « Diesel un scandale français » explique très bien ce problème . Et encore, ce reportage ayant été diffusé en novembre 2012, on ne parlait pas encore du « Diesel Gate ».

Les moteurs Diesel présentent des avantages techniques :

  • Plus de couple à bas régime (donc plus adapté pour porter ou tracter des charges lourdes).
  • Il ne s’enflamme pas à froid, une fuite de gasoil entraîne peu de risque d’incendie.
  • Il dégage moins de CO2 que l’essence.
  • Une consommation plus faible pour les grands rouleurs.

Mais il a aussi un inconvénient de taille : il dégage des particules fines. Ça qui le rend totalement inadapté à un usage urbain.

Le Diesel pour les voitures a surtout profité d’un système de mesure obsolète (1991). S’appuyant sur ce test vieillissant, on a réduit les cylindrées des voitures (ce qu’on appelle le « downsizing »). Dans le même temps, les voitures ont pris du poids. Par exemple :

Pourtant, entre le lobbying des constructeurs et des gouvernements successifs qui voulaient venter le savoir-faire national automobile, on a poussé les usager à se tourner vers ce carburant. Même les petits rouleurs (moins de 15000 Km par an), et les usagers exclusivement urbains, y sont passés. La démonstration est flagrante avec les voitures sans permis. Il suffit d’en chercher qui ont moins de 10 ans pour constater qu’on ne trouve pratiquement que des Diesel. Pourtant, avec leur vitesse réduite, c’est compliqué de faire plusieurs dizaines de milliers de kilomètres par an.

Suite au Diesel Gate, les autorités de différents pays (dont la France) ont décidé de déclarer la guerre au Diesel. Différentes mesures sont arrivées, comme la vignette Crit’Air. C’est sans compter sur le fait que certains utilisateurs ont intérêt à garder leur diesel (en attendant mieux) :

  • Gros rouleurs (30000 Km par an et plus).
  • Poids-lourds intermédiaires (12 à 19 tonnes).
  • Véhicules spécifiques (engins de chantier ou agricole).

Eux qui ont choisi cette technologie de manière appropriée se retrouvent « punis », au même titre que les utilisateurs qui ont choisi le diesel pour les raisons fiscales.

En parallèle, certains constructeurs, notamment les japonais, ont pris une autre direction depuis longtemps : l’hybride. Les modèles européens sont encore peu répandus (ont en trouve surtout depuis environ 3 ans). Dans cette catégorie, les modèles français sont tout simplement inexistant, car la France vise le tout-électrique. Ceci fera l’objet d’un autre article.

Lors du salon de l’auto Paris 2018, le PDG du groupe PSA, Carlos Tavares, annonçait ses réticences sur la propulsion électrique. Il invoquait l’absence d’acteur européen du stockage électrique. Ca tombe bien, l’état semble y réfléchir. En attendant l’année prochaine, aujourd’hui (février 2019), on trouve quelques motorisation hybrides françaises : « Hybrid4 » chez Citroen, HY chez Peugeot, « Hybrid Assist » chez Renault. Des Diesel …