Les vertus de l’open source : lutter contre l’obsolescence programmée et les écosystèmes fermés

Je préfère prévenir, j’illustre les articles de cette catégorie par des aspects assez techniques. Le but n’est ni de faire un cours de droit, ni d’électronique embarquée. C’est surtout la conclusion qui intéressera la plupart des lecteurs.

Je suis un gros utilisateur de logiciels libres et open source. Si, au début de ma carrière, c’était pour des raisons de coût d’exploitation, la tendance s’est accentuée en entreprise pour différentes raisons. Mais tout le monde peut y tirer des avantages.

Petite explication

Il ne faut pas confondre la notion de libre et celle d’Open Source. Tout le monde peut récupérer, modifier, puis partager les sources (la « méthode de fabrication ») d’un logiciel ou d’un matériel libre. L’Open Source garantit un accès au code source, mais la modification et le partage ne sont pas forcément autorisés. c’est le cas du Raspberry Pi.

De la technique

J’ai profité du confinement pour travailler un peu sur l’électronique audio de ma voiture. Je fais parti de ceux qui changent encore leur autoradio. Pour moi, c’est même un critère de sélection de pouvoir le faire. Si je ne peux pas faire une action aussi basique, je n’imagine même pas l’impact d’un changement plus lourd.

Sur mon Scenic de 2000, équipé d’un autoradio cassette de série, j’avais fait simple :

  1. Un autoradio Pioneer milieu de gamme
  2. Un faisceau pour récupérer la télécommande au volant. Je trouve ça plus pratique, et ça contribue à la sécurité, car on garde les mains sur le volant.

Ensuite, j’ai eu besoin d’utiliser le Bluetooth (le chef qui appelait quand j’étais dans les embouteillages). Il m’a suffit d’ajouter le module Bluetooth optionnel à mon autoradio. Là encore, c’était simple techniquement : le module se faisait passer pour un chargeur CD.

Dans mon Modus, je n’avais pas changé l’autoradio, mais j’avais aussi ajouté un module Bluetooth. Parrot avait signé un partenariat avec Renault pour produire le kit CK4160. Peugeot et Citroen avaient le droit à leur équivalent, le CK4100.

Comment ça fonctionne :

  1. Le module est branché entre l’autoradio et le faisceau de tableau de bord.
  2. Lors d’une action sur la télécommande au volant, il intercepte les signaux de commande et fait le tri. D’un côté les commandes « bluetooth », de l’autre les commandes « autoradio ».
  3. S’il reconnait une action, le module Bluetooth envoie un signal « mute téléphone » (oui, à l’époque, c’était une option dans la Safrane, ce signal est toujours exploitable sur les autoradios récent). L’autoradio désactive sa sortie audio.
  4. Le module Bluetooth restitue le son au travers de sa propre sortie audio.

L’avantage de cette méthode, c’est qu’elle exploite une norme existante. C’est donc documenté. Donc, même aujourd’hui, rien n’empêche de poser des équipements plus complet. D’ailleurs, Parrot a commercialisé un système Android qui s’installait de cette manière, le Asteroid Tablet.

De plus, Parrot a proposé des mises à jour des kit Bluetooth cités avant jusqu’en 2010 / 2011. Donc les smartphones (iPhones ou Android) continuent de fonctionner.

La normalisation

Puis, je suis passé chez Honda, seul constructeur à proposer des hybridations légères en 2013. Et là, c’est une autre histoire. Le système audio de série est prometteur (amplificateur Pioneer, enceintes Onkyo). Mais l’autoradio (la source audio), est un Clarion entrée de gamme. C’est fréquent de la part des constructeurs :

  1. Blaupunkt associé au système audio Bose chez Alfa Romeo.
  2. Arkamys associé au système audio Bose chez Renault.

Et le kit Bluetooth de série permet de passer des appels, mais pas d’écouter de la musique. Ma voiture de 2011 se retrouve donc avec un système audio de qualité inférieure et est moins équipée que mes précédentes voitures, pourtant dix ans plus vieilles.

Je souhaite donc profiter d’une meilleure qualité de son, avoir un vrai Bluetooth, et conserver les commandes au volant. Bonus, pourquoi pas profiter de nouvelles fonctionnalités, comme Carplay ou Android Auto. Que propose mon concessionnaire ?

  1. Installer l’autoradio GPS officiel : on passe à du Pioneer, mais un modèle spécifique à la marque qui date de 2004 !!! Et toujours pas de musique via le Bluetooth.
  2. Un autoradio optionnel ? Seul Alpine en a proposé un (en partenariat avec Honda). Il date techniquement de 2008, donc pas question de support de Carplay ou Android Auto, déjà disponible ailleurs, et n’a jamais été remplacé. Le tout pour 2200 €, un prix courant pour les installations certifiées constructeurs.

J’ai donc installé un autoradio Carplay. Mais pour l’installer, il faut importer toutes les pièces. Pour la télécommande au volant, j’importe un Metra ASWC-1, Pourtant, impossible de décrocher quand on m’appelle. Et pour cause.

Le choix technique de Honda

Chez Honda, il y a trois télécommandes au volant :

  1. La commande de l’autoradio.
  2. La commande du Bluetooth, qui est un module séparé.
  3. La commande du GPS, spécifique à l’autoradio Pioneer / Honda.

Rien à reprocher à cette conception, sauf que Honda ne documente pas pour les constructeurs de produits de seconde monte. En fait, mon interface ne récupère qu’un seul signal sur les trois.

J’ai donc trouvé une autre solution : le iDataLink Maestro. En plus de tout récupérer, il regroupe également des données sur la conduite (consommation autonomie, etc), ce qu’on appelle l’OBD. Mais :

  1. Alors qu’en Amérique du Nord, c’est une fonction courante, en Europe, la disponible n’est que sur des autoradios à 700 €. Et encore, on appelle ça UART ici. Sur du milieu de gamme comme moi, il « suffit » de… démonter l’autoradio pour y souder le connecteur, déjà présent sur la carte mère. Oui ces autoradios tournent sous Android, comme les modèles AliExpress. Il faut « juste » savoir les modifier.
  2. Même avec ces actions, je ne récupère pas tout ce que je souhaite, car Honda ne respecte pas le protocole OBD sur ses hybrides…

Alors qu’on vante de plus en plus l’usage de haute technologies à l’intérieur de nos véhicules, dont la durée de vie est de 10 à 15 ans, leur équipement est parfois dépassé avant même leur livraison. Les « standards » imposés par des grandes firmes vivent seulement quelques années, sans proposer d’alternative, ni documenter pour garantir une continuité de service. C’est un vrai problème, tant d’un point de vue économique qu’en terme de développement durable.

Au final, les alternatives viennent d’équipes qui étudient le matériel (reverse engineering), ce qui peut représenter un risque de sécurité plus important que de verrouiller les portes aux équipementiers ou accessoiristes.

D’autres situations dans des domaines très variés

Dans la vie, on aime se simplifier la vie. On attend donc une forme de « symbiose », une « fluidité », dans la communication entre nos appareils. Les objets connectés accentuent ce phénomène. Pourtant, c’est très disparate. En vrac, voici des exemples qui me passent par la tête :

  1. Mon ampli home cinéma Yamaha et ma Freebox peuvent être pilotées via des « sites web cachés » : des API. Ces deux constructeurs ont rendu leur API publique. on peut donc développer sa propre application de contrôle multi appareil.
  2. Quand je démarre un de ces appareils (connectés via un port HDMI), tous se mettent en marche (c’est le protocole CEC). Tous, sauf ma TV Samsung, qui l’a mal implémenté. Le standard HDMI impose le support du CEC depuis plusieurs années. mais AUCUN ordinateur ne le supporte nativement. Pourquoi le faire, puisque les client ne savent pas, donc ne demandent pas. Mais comme le port HDMI est normalisé, certains accessoiristes ont créé des « passerelles » CEC, comme Pulse-Eight.
  3. Google commence à pousser les mises à jour de sécurité d’Android via le Play Store, comme Microsoft le fait pour Windows. Ce projet a commencé à force de voir les constructeurs de téléphone refuser de maintenir les correctifs de sécurité plusieurs années après le remplacement d’un modèle. Ce risque est énorme pour les données et la vie privée des utilisateurs. Android étant open source, les ROM customisés, comme CyanogenMod, prolongent le support logiciel.
  4. Comment oublier de parler de l’impression 3D qui permet de continuer de produire des objets dont la production s’est arrêtée.

Conclusion

S’il faut retenir un point essentiel de cet article, c’est que l’Open Source permet de s’affranchir partiellement de certaines barrières technique et / ou commerciales. Le fait de pouvoir respecter une norme / un standard :

  1. Prolonge la durée de vie de nos appareils.
  2. Limite un consumérisme absurde.
  3. Nous simplifie la vie.

Depuis quelques années, les gouvernements de différents pays (dont la France) ont promulgué des lois pour lutter contre l’obsolescence programmée. Ces lois devraient inclure la libération des sources des logiciels ou matériels dès que le constructeur a arrêté le support de son produit.