Crise, chômage et industrie

La « crise des subprimes » a fêté ses 10 ans, l’explosion du chômage avec. Sur ce point, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne.

Dans un bilan dressé par des économistes, on constate que les régions industrielles ont beaucoup souffert, et que les régions tertiaires s’en sont bien remises. En novembre, je suis tombé sur un reportage qui donnait deux chiffres plutôt choquants :

  1. L’Ile-de-France a gagné autant d’emplois que n’en ont perdus la Bourgogne, la Franche-comté, la Lorraine et la régions Centre réunies.
  2. Depuis 10 ans, 82 % des emplois ont été générés dans seulement 15 villes (globalement les fameux « pôles régionaux » voulus pendant la fusion des régions.

Et les autres, ils restent au chômage ?

Historiquement, la France est une terre industrielle. Dans l’esprit de certaines personnes (dont des politiques), l’industrie, c’est dépassé, on doit migrer vers le service, économiquement « plus rentable ».

Admettons, au détail près que tout le monde ne peut pas être banquier : il faut bien construire l’immeuble de la banque, installer l’électricité et l’eau, l’accès Internet, et maintenir le tout. Cela implique des « petites mains » qui sont nécessaires pour que la mécanique économique de notre pays tourne.

Imaginer un pays qui ne produit pas un minimum sa manufacture a trois conséquences lourdes :

Un manque de diversité d’emplois qui entraîne forcément des saturations de marché :

Soit parce que tout le monde doit faire le même métier, soit parce que ce métier peut disparaître, (exemple : taxis vs VTC).

Du chômage :

Ça vous parait évident ? A moi aussi, mais pas à ceux qui n’ont pas soutenu le développement de l’industrie. Certes, l’industrie ne rémunère pas autant chaque individu que le tertiaire. Pourtant, si on y réfléchit, 1000 banquiers et 10000 chômeurs n’apporteraient sans doute pas plus de PIB que 10 banquiers qui financerait des usines faisant travailler 5000 ouvriers. Car des chômeurs à financer c’est :

  • Une augmentation d’impôts pour ceux qui travaillent.
  • Des chômeurs qui consomment moins. Donc moins d’emplois générés.

Je tiens à préciser que je ne rentre pas dans un débat stérile « chômeurs = assistés ». C’est évident que la grande majorité des chômeurs se lève le matin en espérant pouvoir travailler. J’ai moi-même été au chômage avant d’arriver en Ile-de-France. J’ai juste eu la chance que ça dure peu de temps.

Une dépendance envers nos voisins (ou une perte d’autonomie, appelez ça comme vous voulez) :

Si nous ne pouvons pas produire nous-même certaines ressources de bases, cela nous rend dépendants. On ne peut pas tout produire, mais imaginer dépendre uniquement des USA pour notre défense, ou de l’Allemagne pour notre automobile. Savoir établir un savoir-faire industriel et le développer est une nécessité. L’Allemagne profite de son image de production d’une grande rigueur pour exporter et avoir une économie plus florissante que la nôtre.

On considère les Etas-Unis comme une locomotive d’innovation qui attire des personnes porteuses de nouvelles idées (exemple : Docker dont les créateurs sortent d’Epitech). Pourtant, l’histoire montre à quelle point l’autonomie et l’innovation industrielles sont importants dans des moments cruciaux de l’Histoire. L’Allemagne et le Japon ont perdu la seconde guerre mondiale, et ont partiellement perdu leur autonomie. Aujourd’hui, ils sont sur le podium de l’exportation des véhicules automobiles (terrain sur lequel nous avons largement innové à une autre époque), de robots d’assemblages, ou de matériel audio (Sennheiser, Bose).

Les Gilets Jaunes ont plombé l’économie française. Sinon à Paris, ça va.

En novembre, on a vu apparaître le mouvement des « Gilets Jaunes ». Un raz-le-bol généralisé, des personnes désintéressées de la politique qui ont eu besoin de faire entendre leur voix. Sur le fond, je partage largement cette position. Comme je l’ai écrit dans l’article précédent, je n’ai jamais fait entendre ma voix et je veux le faire aujourd’hui. Par contre, sur la forme, j’ai un problème avec la forme : l’économie a souffert, mais pas au bon endroit.

Les journaux ont fait tourner en boucle des images de manifestations qui ont complètement dérapé à Paris. La question de cet article n’est pas de savoir si ce sont les Gilets Jaunes ou des « casseurs indépendants » qui sont à l’origine des dégâts. Par contre, même si les manifestations entraînaient des fermetures de commerces ou des baisses d’activité le samedi, tout « revenait à la normale » le dimanche, et pareil les autres jours de la semaine.

Je n’ai jamais vu la zone commerciale de Vélizy2 bloquée. Pourtant, on y trouve le magasin de grande distribution générant le plus gros chiffre d’affaire de France. Globalement, il n’y a pas de gros blocage en Ile-de-France. Alors que, dans différentes régions françaises (la Haute-Normandie par exemple), les blocages ont été beaucoup plus virulents (au point que Norauto me déconseille de fixer un rendez-vous, par crainte de ne pas pouvoir l’honorer).

Conséquence directe : dans un repartage diffusé dans le 20H de France 2, une présentation de l’impact économique montrait que :

  • En province, la baisse d’activité économique était d’environ 50 % (grande distribution et services).
  • En Ile-de-France, cette baisse d’activité était de 11 %.

Ce point a son importance, car l’Ile-de-France représentait 31 % du PIB français en 2015 (contre 29% en 2008).

En conclusion, en novembre, l’Ile-de-France seule a généré un PBI presque équivalent au reste de la France. Alors que nous ne sommes pas en grande forme économique, l’Ile-de-France a donc pu être largement autonome et n’a (presque) rien senti passer.