COVID-19 : Retour a l’anormale

De retour après un long moment d’absence. Depuis un an et demi, pas une journée ne défile sans entendre parler du COVID-19. A défaut d’être une solution miracle, les différents vaccins nous offrent un peu de répit. De quoi espérer « un retour à la vie d’avant » pour reprendre le discours des médias.

Pour ma part, je cherche un nouvel employeur. Contrairement à plusieurs dizaines de millions de personnes dans le monde, j’ai gardé mon emploi. Mais le climat actuel a mis en lumière les défauts de ma société, et je ne supporte plus ma hiérarchie. J’ai passé quelques entretiens et, surprise, je suis systématiquement recalé pour « manque de flexibilité ». Ma situation personnelle (père d’un enfant en bas âge) est incompatible avec une présence régulière au bureau après 19h. Oui, c’est bien la demande qu’on m’exprime régulièrement depuis quelques semaines.

Cette parenthèse personnelle est donc le point de départ de ce post : quand le « retour à la vie d’avant » devient le « retour à l’anormale ».

La tentative de fin du télétravail

Depuis 2019, les entreprises ne peuvent plus interdire le télétravail de manière unilatérale. C’était une des promesses du candidat Macron en 2017. L’année 2020 a démontré qu’il était possible de maintenir l’activité économique des postes administratifs et tertiaires de cette manière. Évidemment, le résultat était inégal en fonction des métiers et des entreprises. Pour 2021, le patronat semblait parti pour y mettre fin. Différentes questions se posent de manière légitime, comme la distribution des tickets restaurant. Toutefois, il semble que le consensus à l’échelle nationale pose plus de problème qu’une négociation au niveau de l’entreprise.

L’hôpital dans le creux budgétaire après le pic d’activité

La première vague et les applaudissements passés, retour aux économies. Le problème est en fait plus subtil :

On demande toujours aux hôpitaux de se réorganiser pour faire des économies et donc à des fermetures de lits. Ces fermetures de lits sont souvent justifiées parce qu’il n’y a pas de médecins capables de prendre en charge des patients. Il manque des médecins parce que les médecins hospitaliers sont souvent plus attirés par les cliniques privées qui payent mieux que par les hôpitaux publics. Donc, on va fermer des lits, mais c’est un peu un cercle vicieux. Si on ferme des lits, on a moins besoin de médecins et donc on va continuer à fermer. Donc, le danger de ce système, c’est de transférer une partie de l’activité de l’hôpital public aux cliniques privées.

https://www.franceculture.fr/emissions/les-idees-claires-le-podcast/le-gouvernement-a-t-il-ferme-des-lits-dhopitaux-depuis-le-debut-de-la-pandemie

En fait, cette « concurrence » publique / privée s’organise souvent de cette manière :

  1. Le public fournit un service classique, le privé fournit un service « premium ».
  2. Le public, de moins en moins subventionné, ne peut même plus fournir le service. Les « clients » sont donc de plus en plus redirigés vers le privé.
  3. Le public se marginalise, au point de disparaître. Seul le privé « survit ».
  4. Faute de concurrence, le privé n’est plus obligé d’assurer sa qualité de service supérieure.

L’exemple le plus démonstratif du moment concerne la distribution des professions de foi pendant les élections régionales 2021. Le privé a gagné un contrat qui a coûté 93 millions d’euros au contribuable (je n’ai pas le coût de la distribution par la Poste). Le taux de non-distribution est de 9% chez la Poste comme chez Adrexo.

Pas de migration des entreprises sur le territoire

Malgré mon paragraphe précédents, quelques entreprises (en général des PME) ont décidé de quitter leurs locaux et de placer tous leurs employés en télétravail permanent. C’est une une belle démonstration d’un territoire dédensifié. Mais au final, où est enregistrée la raison sociale de l’entreprise ? Si elle est restée dans une zone dense, elle continue d’y alimenter les taxes locales. Et parallèlement, au vu de l’explosion du chômage dans certains secteurs comme le tourisme, le poids économique des grandes métropoles est encore renforcé. La diagonale du vide n’est pas prête d’être comblée.

Quand la digitalisation devient robotisation

Depuis quelques années, l’état s’attache à numériser le service public. C’est un avantage indéniable pour la plupart d’entre nous. Cependant, il ne faudrait pas oublier qu’une partie de la population subit la fracture numérique technique ou générationnelle. La période actuelle a poussé l’expérimentation dans des domaines comme l’éducation pour le meilleur, surtout pour le pire. Ainsi, la correction des épreuves de philosophie à distance a fait grincer des dents, entre chronométrage et manque d’anonymisation.

Voulons-nous changer les choses ?

Ces décisions sont prises par nos représentants. Nous les avons élus. Enfin, ceux qui ont voté les ont élus. Entre le déconfinement et un manque de connaissances des enjeux, les français ont boudé les élections régionales et départementales. Ainsi, deux tiers des électeurs ont choisi de ne pas choisir. C’est inquiétant pour les enjeux de l’année prochaine, à moins que tout le monde se réveille.

Quels enseignements a-t-on tiré ?

C’est bien une question ouverte. J’avais déjà édité un article sur le début de gestion de la crise, au printemps 2020. A l’automne 2020, j’ai vraiment pensé que la mesure du problème était prise, notamment en voyant la mise en place d’un confinement précoce, mais de courte durée, dès les prémices d’une flambée épidémique. Une stratégie à contre-pied du printemps 2020. Printemps 2021, j’ai malheureusement constaté que nos dirigeants sont retournés dans leurs travers. J’espère que la rentrée ne sera pas une nouvelle occasion de vérifier les leçons retenues.

Notre façon de voter doit évoluer

J’en ai deja parlé dans d’autres articles, mais nos méthodes de vote doivent évoluer.

Le vote électronique à distance

Actuellement, une partie du gouvernement y est opposé, à juste titre. A force de tarder à mettre en place des solutions de vote à distance, nous ne seront pas prêts pour les prochaines élections.

D’un point de vue technique, le vote électronique à domicile est aussi fiable qu’en bureau. Si un ordinateur personnel est attaqué, il compromet un vote (ou quelques unités). Si une machine de vote est compromise dans un bureau, c’est plusieurs centaines de votes qui son compromis. C’était notamment la polémique en Floride en 2000.

De plus, le vote électronique permettrait de voter pour sa région depuis n’importe quel lieu en France.

Limiter la présence médiatique des partis

Certains changent d’idées pour rester fidèle à leur parti. Moi, je change de parti pour rester fidèle à mes idées

Winston Churchill

Comptabilisons le vote blanc

Les élections européennes sont sans doute les plus concernées. Le parti « gagnant », c’est l’abstention.

Différencier les votes locaux et nationaux

Ok il s’agit d’une situation personnelle. Même après quinze ans en Ile-de-France, je vote toujours en normandie. Je ne suis pas un cas isolé. Environ 100 000 français font ce choix.

Actuellement, lorsqu’on est inscrit sur une liste électorale, nous sommes appelés aux urnes pour toutes les élections locales associées. Si j’ai choisi de voter en Normandie, c’est pour décider de l’avenir de ma région. Le problème est que celà m’empêche de décider de la vie locale (au sein de ma ville donc).

On peut me reprocher de vouloir le beurre et l’argent du beurre. Pourtant, aujourd’hui, les élections municipales comportent déjà une différence avec les autres élections. Les résidents européens peuvent élire le maire de leur commune.

Rendre le vote obligatoire

Une fois ces différentes évolutions mises en place, qu’est-ce qui nous empêche de voter ? Faudrait-il rappeler à certains que des hommes et des femmes se sont battus pour que nous ayons le droit de choisir nos représentants. Respectons leur mémoire, honorons nos devoir citoyens.

Lettre ouverte à Hervé Morin, Président de la région Normandie

Mon nom a peu d’improtance. Je suis Normand, natif de Rouen, expatrié en Ile-de-France depuis près de quinze ans. Expatrié, ce mot choque. Pourtant, en 2017, un candida
t aux élections présidentielles avait pris un selfie avec « une mère de famille expatriée en Guadeloupe ».
Les bases du dénigrement réciproques entre Paris et la « province » étant posées, entrons dans le sujet qui me pousse à vous interpeller.

La France fracturée

Fin 2018, la crise des gilets jaunes met en exergue deux fractures sociales :

  • La première est une divergence de point de vue entre les dirigeants politiques et le peuple qui les a élus. Comme si, finalement, il y avait tromperie sur la marchandise.
  • La deuxième, au sein même du peuple, dont les conditions de vie sont très dépendentes du lieu où l’on vit.
    • Grandes métropoles peuplées de cadres contre petits villages d’ouvriers et d’agriculteurs.
    • Zones urbaines profitant du déploiement de nouveaux services contre zones rurales où ces mêmes services disparaissent peu à peu.

La crise sanitaire actuelle a encore démontré notre besoin d’indépendance, de résilience. Mais, vous l’avez demandé, notre besoin de libertés dans nos décisions. Vous voulez plus de décentralisation.

Moi-même, j’ai porté cette idée pendant des années. Disposer de plus de latitude dans nos choix me semblait la solution à beaucoup de nos problèmes locaux. Vous en avez même fait votre fer de lance avec, par exemple, la prise de contrôle des trains régionnaux.

Une bureaucratie verticale

Même le président semble d’accord avec cette idée. Lui qui disait, au sujet de la gouvernance européenne :

Actuellement je me bats bec et ongles pour défendre l’idée que le Parlement européen se réunisse à Strasbourg, parce que si on accepte que le Parlement se réunisse à Bruxelles, nous sommes foutus. Parce que ça veut dire que dans 10 ans, tout sera à Bruxelles et les gens (liés aux institutions européennes) ne parleront plus qu’entre eux à Bruxelles.

Emmanuel Macron en Lituanie, le 29 septembre 2020

A contrario, ça ne semble lui poser aucun problème quand la gouvernance française soit totalement gérée depuis Paris. Ceci sans prendre en compte les spécificités locales. Je citerais pour exemple le couvre-feu à 18h. Il n’est absolument pas appliqué en Ile-de-France, car c’est l’heure à laquelle finissent les cadres avant de prendre une à deux heures pour rentrer chez eux.

A votre arrivée à la tête de la région, j’étais sceptique quant à vos intentions sur cette « indépendance ». Depuis, vous m’avez démontré que, à défaut d’avoir réussi, vous avez tenté .

Un sombre avenir

Mais à l’approche des prochaines échéances électorales (régionnales et présidentielles), je suis inquiet.

En effet, sur différents dossiers, comme les trains, ou plus récemment les vaccins ou le contournement est de Rouen, les solutions proposées dépendaient majoritairement de financements de la région. Ceci a pour avantage de soutenir ces projets, mais à quel prix ?

Des collectivités vassalisées au service d’un état démissionnaire

C’est bien là que réside mon inquiétude : pour quelle raison la région devrait palier aux manquement d’un état démissionnaire sur ces missions régaliennes ? Et quel meilleur alibi que vous, M. Morin, ardent défenseur de la « décentralisation », pour accélerer ce processus de déchargement de ces missions ?

Vous n’y croyez pas ? Quelques exemples :

Transports :

Les trains régionnaux : pas la peine de développer ce dossier que vous ne connaissez que trop bien. Le fait de rappeler que les trains sont plus lents qu’il y a cinquante ans parle de lui-même. Et ce projet, démarré dans les années 1990, semble finalement vidé de sa substance depuis 2012, en devenant un « simple » TER, en plus rapide.

Le contournement Est de Rouen : Un projet étudié dans les années 1970, et dont les accords de finacement font toujours débat en 2021 ! Les opposants au projet ne sont pas les seuls responsables du retard de ce projet. D’ailleurs, pour vous citer :

Ce serait une agression pour la Normandie si l’État ne retenait pas ce projet de contournement et ce serait un signal fort de l’abandon d’un territoire.

Les ponts de Tancarville et de Normandie : pour le coup, il semble que ces ponts soient issu de notre décision, suite au refus de l’état de participer à ces projets.

Culture :

L’exemple du financement de la culture : Ce fait, pourtant anecdotique, est assez démonstratif :

La restauration du patrimoine :

Sécurité :

La police municipale : J’en ai déjà parlé également. Comment un ministre de l’intérieur, garant de la sécurité de tous les français, peut-il répondre au maire de Grenoble :

“Votre police municipale ne compte que 100 policiers municipaux pour une population de 160.000 habitants, soit un ratio d’un agent pour 1580 habitants”, écrit Gérald Darmanin, comparant ces effectifs à ceux de Nice, bénéficiant d’un ratio bien supérieur (un agent pour 618 habitants).

Gerald Darmanin à Éric Piolle, maire de Grenoble

Quelle est la prochaine étape ? Vous devrez financer une armée normande, pour protéger notre territoire. Pourtant, l’ennemi vient de l’intérieur.

Economie :

France télécom : Là encore, pas besoin de développer plus ce sujet, j’en parle régulièrement. Les grandes zones urbaines profitent d’un déploiement rapide de nouvelles infrastructures de communications (fibre, 4G voire 5G). Ceci leur permet de développer une économie grâce à ces services (e-commerce, click-and-collect, très utilisés en cette période). Pendant ce temps, dans les zones rurales, avoir l’ADSL (qui existe depuis vingt ans) est parfois impossible. Passer des appel depuis son mobile peut être compliqué. Ces services mal délivrés empêchent notre économie régionale de s’adapter et suivre le mouvement. Et la Normandie n’est pourtant pas la plus à plaindre.

Suppression de la taxe d’habitation : C’est sans doute une bonne nouvelle pour le porte-feuille des français. Mais c’est une mauvaise nouvelle pour celui des collectivité de proximité. Le gouvernement de l’époque aurait pu choisir de baisser les impôts, mais ça aurait touché à ses caisses. Il a préféré alléger les notres, et y ajouter une petite baisse des dotations, et la loi NOTRE tant qu’à faire.

J’en arrive justement à ma conclusion

Vous souhaitez nous rendre libres de nos choix. J’ai peur de devenir esclave de notre pauvreté. M. Morin, plutôt qu’espérer plus de décentralisation, véritable trompe-l’oeil, préférez la concertation des décisions par le bas (donc par les édiles locaux) dans un état uni, réconcilié et égalitaire.

Fusion des communes et des régions : unir pour mieux régner

Enfin, je publie cet article. Pourquoi enfin ? Parce que c’est la loi NOTRE qui m’a poussé à m’intéresser de près à la politique. Et que cet article attend sa publication depuis avril 2019. En fait, c’est un des premiers que j’ai écrits.

Lancée sous le précédent gouvernement, la fusion des régions et des communes est une catastrophe.

Des économies qui coutent cher

Un des arguments avancés lors de la promulgation de la loi NOTRE étaient les économies d’échelle réalisées en réduisant le « mille-feuilles administratif ». En effet, réduire d’un tiers le nombre de régions permettait (en théorie) :

  • De supprimer du personnel : présidents de régions, mais aussi comptables et autres administratifs.
  • De réduire l’immobilier (moins de batiments à louer).
  • Limiter les flottes de véhicules.

La liste est longue. Pourtant, c’est exactement l’inverse qui s’est passé :

  • Anciens élus devenus « élus délégués » donc toujours en poste.
  • Augmentation de l’immobilier, car il fallait des structures plus grandes pour accueillir plus de personnes.
  • Alignements des conventions collectives au profit de la plus favorable.

Cet article parmi tant d’autres permet de se faire une idée du problème.

Au niveau des communes, le bilan est à peu près identique. Dans mon cas (loin d’être isolé), les taxes locales ont augmenté de 50 %. Pour quelles raisons ?

  • Les « élus délégués » sont restés en poste.
  • Ces élus ont vu leur rémunération augmenter, car elle est forfaitaire en fonction du nombre d’habitant dans la commune. Ce nombre a mécaniquement augmenté (on a additionné tous les habitants).
  • La création de nouvelles infrastructures. Par exemple, nous avons atteind le seuil de 5000 habitants, ce qui nous impose de créer une aire pour les gens du voyage.

Au total, la liste des dépenses « imprévues » vient largement contre-balancer les économies réalisées dans certains domaines,

Un lissage des statistiques en trompe l’oeil

Quand l’état ne prend plus ses responsabilités

Il suffit de relire mon article sur les inégalités et celui sur la pseudo-décentralisation pour deviner ma conclusion : l’état se décharge de ses missions régaliennes, parfois vers le privé, parfois vers les autres administrations :

  • Infrastructures.
  • Santé.
  • Sécurité.
  • Education.

L’une des solutions est de « donner plus de pouvoirs », mais pas plus de moyens, à des entités situées sous son contrôle. En cas d’échec, c’est la région, ou la commune, qui aura pris la décision. Et pendant ce temps, l’état se désendette artificiellement, car se sont les régions, les communes, qui accumulent les dépenses, abandonnées par ceux qui auraient du éviter cette situation.