Les vertus de l’open source : un pas vers la sécurité et l’autonomie numérique

Deuxième article sur l’intérêt de l’Open Source. Dans le précédent article, j’expliquais comment ça pouvait participer à améliorer la durée de vie de nos appareils. Ici, on va plutôt voir pourquoi chaque état a tout intérêt à s’y intéresser.

Un peu d’histoire

Je vais prendre l’exemple d’Ubuntu. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est sans doute la distribution linux la plus facile à prendre en main quand on n’a aucune connaissance dans le domaine. Une légende veut que Mark Shuttleworth, ancien développeur Debian (qui sert de base à cette distribution), voulait rendre Linux plus accessible dans son pays (l’Afrique du Sud) pour :

  1. Accélérer sa diffusion.
  2. Réduire le coût d’achat d’un ordinateur en économisant le prix des licences Windows. Ceci rend l’accès à la technologie plus facile dans des pays en développement intermédiaire: Et ça évite les risques de sécurité liés à l’arrêt d’un support commercial.
  3. Améliorer la sécurité, car le code d’un logiciel open source (qu’il soit totalement libre ou pas) peut être consulté. On peut garantir plus facilement la qualité du travail.

En France

En France, on a développé des distributions Linux, notamment Mandriva. Contrairement à Canonical (la société qui développe Ubuntu), l’entreprise n’a pas réussi à créer un modèle économique rentable, ce qui a conduit à la faillite de l’entreprise.

Précisons-le, on peut faire de l’argent avec le logiciel libre. Car le logiciel est gratuit, mais le support technique peut être facturé (c’est mon métier).

Pourtant, en France, le déploiement du logiciel libre est assez partagé. La gendarmerie nationale a tenté de passer sous Ubuntu. Des débuts difficiles, mais au final la migration a continué. Le ministère de la Défense a fait un choix différent et surprenant. Alors qu’on connaissait déjà les risque d’espionnage liés au projet PRISM, le ministère a décidé de rester chez Microsoft, et d’y adhérer encore plus fortement. Le coût pour l’état français était de 54 millions d’euros en 2011. Pour faire des économies, l’état a passé commande auprès de Microsoft Irlande. Merci la TVA intra communautaire. D’ailleurs, ce contrat a fait l’objet d’une enquête parlementaire. D’autant que l’ANSSI, pas spécialement contre Microsoft, porte sa préférence sur le libre pour des raisons de sécurité. Ce risque est réel pour deux raisons :

  1. Nos données (traitées par les machines ou stockées en ligne) peuvent potentiellement être analysées par des états étrangers.
  2. Si ce ne sont pas des états qui ont la main sur nos données, ce sont des sociétés privées (les GAFAM). Je ne garantis pas qu’ils en fassent un meilleur usage.

On peut donc choisir entre la peste et le choléra. A ce sujet, la cour de justice européenne vient d’ailleurs de déclarer qu’aucun hébergeur de données européen ne peut être conforme RGPD, car ils se conforment à la loi américaine.

Question bonus : Doit-on développer un OS souverain ?

C’est un peu hors sujet de cet article, mais on m’a déjà posé cette question dans le cadre de mon travail. Suite au sujet « Défense vs Microsoft », l’Assemblée Nationale a voté le principe d’un OS souverain, c’est à dire un OS « made in France ». Personnellement, j’y vois peu d’intérêt. Comme évoqué au début de l’article, un logiciel open source peut être audité. Le risque pour la sécurité est donc limité. N’importe qui, dans n’importe quel pays du monde, peut installer une distribution Linux (Ubuntu ou autre), voire FreeBSD (en général plus orienté sécurité. Le site Distrowatch en référence environ 1200 pour tous les usages. Inutile de réinventer la roue, et autant contribuer à renforcer des bases solides. Rien n’empêche une personnalisation de l’existant. C’est même comme ça que fonctionne le logiciel libre : je prends, j’adapte, je partage.

Les vertus de l’open source : lutter contre l’obsolescence programmée et les écosystèmes fermés

Je préfère prévenir, j’illustre les articles de cette catégorie par des aspects assez techniques. Le but n’est ni de faire un cours de droit, ni d’électronique embarquée. C’est surtout la conclusion qui intéressera la plupart des lecteurs.

Je suis un gros utilisateur de logiciels libres et open source. Si, au début de ma carrière, c’était pour des raisons de coût d’exploitation, la tendance s’est accentuée en entreprise pour différentes raisons. Mais tout le monde peut y tirer des avantages.

Petite explication

Il ne faut pas confondre la notion de libre et celle d’Open Source. Tout le monde peut récupérer, modifier, puis partager les sources (la « méthode de fabrication ») d’un logiciel ou d’un matériel libre. L’Open Source garantit un accès au code source, mais la modification et le partage ne sont pas forcément autorisés. c’est le cas du Raspberry Pi.

De la technique

J’ai profité du confinement pour travailler un peu sur l’électronique audio de ma voiture. Je fais parti de ceux qui changent encore leur autoradio. Pour moi, c’est même un critère de sélection de pouvoir le faire. Si je ne peux pas faire une action aussi basique, je n’imagine même pas l’impact d’un changement plus lourd.

Sur mon Scenic de 2000, équipé d’un autoradio cassette de série, j’avais fait simple :

  1. Un autoradio Pioneer milieu de gamme
  2. Un faisceau pour récupérer la télécommande au volant. Je trouve ça plus pratique, et ça contribue à la sécurité, car on garde les mains sur le volant.

Ensuite, j’ai eu besoin d’utiliser le Bluetooth (le chef qui appelait quand j’étais dans les embouteillages). Il m’a suffit d’ajouter le module Bluetooth optionnel à mon autoradio. Là encore, c’était simple techniquement : le module se faisait passer pour un chargeur CD.

Dans mon Modus, je n’avais pas changé l’autoradio, mais j’avais aussi ajouté un module Bluetooth. Parrot avait signé un partenariat avec Renault pour produire le kit CK4160. Peugeot et Citroen avaient le droit à leur équivalent, le CK4100.

Comment ça fonctionne :

  1. Le module est branché entre l’autoradio et le faisceau de tableau de bord.
  2. Lors d’une action sur la télécommande au volant, il intercepte les signaux de commande et fait le tri. D’un côté les commandes « bluetooth », de l’autre les commandes « autoradio ».
  3. S’il reconnait une action, le module Bluetooth envoie un signal « mute téléphone » (oui, à l’époque, c’était une option dans la Safrane, ce signal est toujours exploitable sur les autoradios récent). L’autoradio désactive sa sortie audio.
  4. Le module Bluetooth restitue le son au travers de sa propre sortie audio.

L’avantage de cette méthode, c’est qu’elle exploite une norme existante. C’est donc documenté. Donc, même aujourd’hui, rien n’empêche de poser des équipements plus complet. D’ailleurs, Parrot a commercialisé un système Android qui s’installait de cette manière, le Asteroid Tablet.

De plus, Parrot a proposé des mises à jour des kit Bluetooth cités avant jusqu’en 2010 / 2011. Donc les smartphones (iPhones ou Android) continuent de fonctionner.

La normalisation

Puis, je suis passé chez Honda, seul constructeur à proposer des hybridations légères en 2013. Et là, c’est une autre histoire. Le système audio de série est prometteur (amplificateur Pioneer, enceintes Onkyo). Mais l’autoradio (la source audio), est un Clarion entrée de gamme. C’est fréquent de la part des constructeurs :

  1. Blaupunkt associé au système audio Bose chez Alfa Romeo.
  2. Arkamys associé au système audio Bose chez Renault.

Et le kit Bluetooth de série permet de passer des appels, mais pas d’écouter de la musique. Ma voiture de 2011 se retrouve donc avec un système audio de qualité inférieure et est moins équipée que mes précédentes voitures, pourtant dix ans plus vieilles.

Je souhaite donc profiter d’une meilleure qualité de son, avoir un vrai Bluetooth, et conserver les commandes au volant. Bonus, pourquoi pas profiter de nouvelles fonctionnalités, comme Carplay ou Android Auto. Que propose mon concessionnaire ?

  1. Installer l’autoradio GPS officiel : on passe à du Pioneer, mais un modèle spécifique à la marque qui date de 2004 !!! Et toujours pas de musique via le Bluetooth.
  2. Un autoradio optionnel ? Seul Alpine en a proposé un (en partenariat avec Honda). Il date techniquement de 2008, donc pas question de support de Carplay ou Android Auto, déjà disponible ailleurs, et n’a jamais été remplacé. Le tout pour 2200 €, un prix courant pour les installations certifiées constructeurs.

J’ai donc installé un autoradio Carplay. Mais pour l’installer, il faut importer toutes les pièces. Pour la télécommande au volant, j’importe un Metra ASWC-1, Pourtant, impossible de décrocher quand on m’appelle. Et pour cause.

Le choix technique de Honda

Chez Honda, il y a trois télécommandes au volant :

  1. La commande de l’autoradio.
  2. La commande du Bluetooth, qui est un module séparé.
  3. La commande du GPS, spécifique à l’autoradio Pioneer / Honda.

Rien à reprocher à cette conception, sauf que Honda ne documente pas pour les constructeurs de produits de seconde monte. En fait, mon interface ne récupère qu’un seul signal sur les trois.

J’ai donc trouvé une autre solution : le iDataLink Maestro. En plus de tout récupérer, il regroupe également des données sur la conduite (consommation autonomie, etc), ce qu’on appelle l’OBD. Mais :

  1. Alors qu’en Amérique du Nord, c’est une fonction courante, en Europe, la disponible n’est que sur des autoradios à 700 €. Et encore, on appelle ça UART ici. Sur du milieu de gamme comme moi, il « suffit » de… démonter l’autoradio pour y souder le connecteur, déjà présent sur la carte mère. Oui ces autoradios tournent sous Android, comme les modèles AliExpress. Il faut « juste » savoir les modifier.
  2. Même avec ces actions, je ne récupère pas tout ce que je souhaite, car Honda ne respecte pas le protocole OBD sur ses hybrides…

Alors qu’on vante de plus en plus l’usage de haute technologies à l’intérieur de nos véhicules, dont la durée de vie est de 10 à 15 ans, leur équipement est parfois dépassé avant même leur livraison. Les « standards » imposés par des grandes firmes vivent seulement quelques années, sans proposer d’alternative, ni documenter pour garantir une continuité de service. C’est un vrai problème, tant d’un point de vue économique qu’en terme de développement durable.

Au final, les alternatives viennent d’équipes qui étudient le matériel (reverse engineering), ce qui peut représenter un risque de sécurité plus important que de verrouiller les portes aux équipementiers ou accessoiristes.

D’autres situations dans des domaines très variés

Dans la vie, on aime se simplifier la vie. On attend donc une forme de « symbiose », une « fluidité », dans la communication entre nos appareils. Les objets connectés accentuent ce phénomène. Pourtant, c’est très disparate. En vrac, voici des exemples qui me passent par la tête :

  1. Mon ampli home cinéma Yamaha et ma Freebox peuvent être pilotées via des « sites web cachés » : des API. Ces deux constructeurs ont rendu leur API publique. on peut donc développer sa propre application de contrôle multi appareil.
  2. Quand je démarre un de ces appareils (connectés via un port HDMI), tous se mettent en marche (c’est le protocole CEC). Tous, sauf ma TV Samsung, qui l’a mal implémenté. Le standard HDMI impose le support du CEC depuis plusieurs années. mais AUCUN ordinateur ne le supporte nativement. Pourquoi le faire, puisque les client ne savent pas, donc ne demandent pas. Mais comme le port HDMI est normalisé, certains accessoiristes ont créé des « passerelles » CEC, comme Pulse-Eight.
  3. Google commence à pousser les mises à jour de sécurité d’Android via le Play Store, comme Microsoft le fait pour Windows. Ce projet a commencé à force de voir les constructeurs de téléphone refuser de maintenir les correctifs de sécurité plusieurs années après le remplacement d’un modèle. Ce risque est énorme pour les données et la vie privée des utilisateurs. Android étant open source, les ROM customisés, comme CyanogenMod, prolongent le support logiciel.
  4. Comment oublier de parler de l’impression 3D qui permet de continuer de produire des objets dont la production s’est arrêtée.

Conclusion

S’il faut retenir un point essentiel de cet article, c’est que l’Open Source permet de s’affranchir partiellement de certaines barrières technique et / ou commerciales. Le fait de pouvoir respecter une norme / un standard :

  1. Prolonge la durée de vie de nos appareils.
  2. Limite un consumérisme absurde.
  3. Nous simplifie la vie.

Depuis quelques années, les gouvernements de différents pays (dont la France) ont promulgué des lois pour lutter contre l’obsolescence programmée. Ces lois devraient inclure la libération des sources des logiciels ou matériels dès que le constructeur a arrêté le support de son produit.

La centralisation nationale n’est pas un problème. Le jacobinisme en est un

Ce titre peut surprendre, surtout que la plupart de mes articles font référence aux problèmes que j’y vois. Mais avec le temps et le temps de la réflexion dû à mon chômage partiel, j’oriente mes propos.

La centralisation nécessaire à la construction du pays

Il ne faut pas l’oublier : avant la Révolution de 1789, toutes les régions disposaient de leurs propres règles :

L’état français a permis d’unifier des peuples différents, mais unis dans leur histoire. Son impact dans notre histoire est donc essentiel.

Dans un état totalement décentralisé (fédéral), on rencontre parfois des surprises. Quelques exemples en vrac :

  • Aux états-Unis, les taxes sont différentes d’un état à l’autre.
  • Il n’y a pas de ministère de l’éducation nationale en Allemagne.
  • La Suisse possède trois langues officielle. Chaque canton peut décider quelle langue est enseignée à l’école primaire.
  • En Australie, dans certains districts, on enseigne le créationnisme en école publique.

Je cite l’Espagne à part. Là-bas, les régions s’appellent « Autonomias ». Les régions disposent d’une certaine autonomie décisionnelle, mais surtout financière.

Jacobinisme, fausse décentralisation, vassalisation

Pour revenir à la Révolution Française, lors de la formation du nouvel état, on a voulu centraliser la gestion de l’état. On a appelé ce mouvement le jacobinisme.

Ce terme continue d’être employé pour designer un état dirigé de manière verticale. Hervé Morin y fait souvent référence quand il demande « plus de décentralisation« . C’est justement ce qui fait évoluer mon discours :

Officiellement, nous sommes « déjà » dans un état décentralisé. Différentes lois sont passées sur le sujet, mais c’est un trompe l’oeil. Car ce qu’Hervé Morin oublie, c’est qu’avoir la liberté de décider sans financement a un intérêt limité.

Depuis la loi sur la décentralisation de 1982, l’état se décharge de certaines responsabilités en les transférant vers les collectivités locales. J’avais cité le cas de l’éducation dans mon article sur les inégalités. Dans la réalité, l’état se dégage tout simplement de ses responsabilités via ce mécanisme. En d’autres terme, ce que l’état ne veut plus gérer, il le transfère, y compris le régalien.

Nous avons un ministère de l’éducation nationale qui décide. Pour mettre en place la logistique nécessaire à la mise en place de ces décisions, les collectivités reçoivent un budget. Mais ce n’est pas un budget dédié, c’est une partie des dotations de l’état.

  • Si la taxe d’habitation est bienvenue pour notre pouvoir d’achat, elle réduit les rentrées d’argent dans la commune. Si l’état réduit sa part, la commune doit choisir quoi financer, l’école ou la nouvelle piste cyclable en centre-ville.
  • Même chose pour les départements, qui doivent choisir entre investir dans la rénovation d’un collège, ou la réfection de la route nationale fraîchement transférée.

Au final, ces différentes collectivités ont de plus en plus de « compétences », donc plus de charges. Mais de même temps, les différentes baisses de dotations asphyxient ces collectivités. Ajoutons à cela le transfert vers le privé de différentes infrastructures. Voilà comment des territoires, qui souffrent déjà économiquement, sont devenus esclaves des aides publiques d’un état empereur. De plus, ces changements vont à l’encontre du principe d’égalité que ce même état est censé garantir.

Quand l’état décide, l’état doit payer

Revenons au cas de l’Espagne. Si chaque région possède une certaine autonomie décisionnelle, elle dispose aussi d’une autonomie financière partielle. Elle devient responsable financièrement de ses choix, mais ne dépense pas d’argent pour financer les services nationaux (justice, défense, etc).

Dans le cas d’une décision prise au niveau régional, citons la gestion des trains normands. Sur le fond, je comprend totalement la prise de position d’Hervé Morin. Au final, les performances ne sont pas toujours au rendez-vous, et le coût discutable. De plus, la région prend une position d’acteur privé. La région Occitanie a fait un choix similaire. Mais personne ne s’est mis d’accord. Pourtant, on parle d’un acteur national (la SNCF) qui a une obligation de service public sur l’ensemble du territoire. Alors pourquoi ces choix divisés ?

Une orchestration en étoile

Ici, je fais directement référence à mon métier. J’orchestre, ça veut dire que je mets à disposition des ressources. Dans mon métier, de la puissance de calcul. Au niveau de l’état, ces ressources sont financières ou logistiques. Comment je dois les distribuer ? Simple : je supervise.

  • Pour surveiller mes machines, j’ai des « sondes ». Elle interrogent mes équipements :
    • Serveurs.
    • Equipements réseau.
    • Applications critiques.
  • A l’éducation nationale, le rectorat devrait interroger :
    • Les écoles.
    • Les collèges
    • Les lycées.
  • Au ministère de la santé, les ARS devraient interroger :
    • Les hôpitaux publics.
    • Les EPHAD.
    • Les maisons de santé.

Le superviseur (le ministère), recevrait alors un état synthétique pour chaque zone géographique. Accessoirement, cette méthode, pourtant centralisée, permettrait de mieux projeter les ressources nécessaire, afin de continuer la garantie du principe d’égalité. Le tout en réduisant les coûts, car on investit là ou c’est nécessaire.

Pour conclure, Non Monsieur Morin, plus de décentralisation ne règlera aucun de nos problème. Puisque le problème n’est pas notre champ d’action, mais les financements nécessaires à l’accomplissement de vos missions pour la région.

COVID-19 : ce qu’on aurait pu changer pendant la crise

Dans mon article précédent, j’avais préféré me concentrer sur les problème dont nous souffrions avant la crise du COVID-19. Les semaines ont passé. La crise sanitaire s’éloigne. Toutefois, gardons le risque en tête.

Au vu de la situation, il n’y a aucune recette « miracle » pour sortir de la crise, qu’elle soit sanitaire ou économique.

Un confinement tardif puis brutal

Il est clair que le risque était sous-évalué. Afin de maintenir l’économie à flot, le gouvernement a tenté de retarder le plus possible le confinement. Il suffit de lire l’interview de Martin Hirsch dans les colonnes du monde pour en avoir une idée :

Les chefs des services d’infectiologie et de parasitologie de la Pitié-Salpêtrière ont été invités en urgence par le DG pour faire part de leurs calculs sur le nombre de « patients Covid-19 » qui devront être admis en réanimation. C’est la douche froide. « En une heure, on l’a fait réfléchir et on a retourné la situation », se félicite le professeur Caumes.
En un rien de temps, la météo de l’AP-HP tourne à l’avis de tempête. « Personne ne nous avait envoyé de simulation. Il n’y a pas un type qui m’a appelé pour me donner des chiffres. On avançait encore avec l’idée que la Chine, c’était la Chine, l’Italie, c’était l’Italie », dit M. Hirsch, qui n’avait pas été informé de la réunion d’alerte organisée la veille à l’Elysée. Le lendemain, samedi 14 mars, des experts sont conviés à la hâte. « Tous les épidémiologistes convergeaient. Je n’ai jamais vu ça. D’habitude, ils s’engueulent. »

https://www.lemonde.fr/sante/article/2020/05/21/c-est-un-paradoxe-a-lui-tout-seul-qui-est-vraiment-martin-hirsch-le-directeur-general-de-l-ap-hp_6040321_1651302.html

Si on compare à d’autres pays :

En Nouvelle-Zélande (5 millions d’habitants), la méthode a été « éradiquer immédiatement plutôt qu’atténuer dans la durée ». Ils ont appliqués plusieurs méthodes :

  • Confinement strict et immédiat dès les premiers cas (et avant d’enregistrer leur premier decès).
  • Tests sérologiques précoces.
  • Etc

Le résultat est sans appel :

Le dernier décès remonte au 6 mai et un seul nouveau malade a été annoncé depuis le 19 mai. Il n’en reste officiellement que 28. Au total, ce pays de 5 millions d’habitants aura recensé 1504 cas et 21 morts.

https://www.leparisien.fr/societe/covid-19-les-tres-bonnes-recettes-de-la-nouvelle-zelande-pour-maitriser-le-virus-25-05-2020-8323008.php

Si on ramène à nos 65 millions d’habitants, ça fait 273 morts. Nous en comptons cont fois plus.

En Autriche, un confinement moins strict qu’en France, bien que les lieux publics comme les écoles étaient fermées. Mais ils ont mis en place des mesures sanitaires publiques différentes. Par exemple, à l’entrée des magasins, les masques et le gel hydro-alcoolique était obligatoire. Résultat : 677 Morts pour 8,9 millions d’habitants. Ramené à nous, ça fait 4950 morts.

Nous sommes responsables du prolongement du confinement.

Oui, nous sommes largement responsables. Le principe même du confinement était d’éviter les interactions pour limiter la propagation. Pourtant, les récalcitrants étaient nombreux :

La liste est longue. Oui, le gouvernement a pris cette décision tardivement. Mais devant notre irresponsabilité, nous sommes partiellement à l’origine de la prolongation de cette situation.

Les élections pourraient prendre une autre forme

C’est un évènement de notre démocratie. L’annulerLes élections municipales ont eu lieu, mais quel résultat ? Sur ce point, un scrutin en ligne aurait réglé le problème.

La chaine logistique du pays portée par des petites mains en première ligne

Nous sommes en guerre. Et comme pendant la première moitié de ce siècle (où l’économie a continué de tourner grâce aux femmes), le pays a pu continuer de fonctionner grâce à une partie ignorée (voire dénigrée) de la population.

Le mot chaîne a son importance ici. Pour faire (encore) une comparaison automobile : la chaîne (ou courroie) de distribution. Un maillon casse, c’est le moteur (de l’économie) qui casse. Trop tendue, elle finira par s’user et casser. Elle se décale, le moteur fonctionne toujours, mais plus de manière efficace. La négliger est une grave erreur.

Les patients ont pu être soignés par les personnels de santé, mais pas que :

  • Il fallait qu’ils puissent venir travailler :
    • Chauffeurs de transports en commun .
      • Entretien des véhicules par le personnel mécanicien.
      • Nettoyage des véhicules pour limiter la transmission du virus.
      • Etc.
  • Il fallait aussi manger et faire ses courses :
    • Chauffeurs livreurs.
      • Les mêmes mécaniciens et personnels de nettoyage.
      • Les plateformes logistiques d’approvisionnement (MIN).
        • Agriculteurs.
        • Eleveurs.
        • Pêcheurs.
        • Etc.

Une liste exhaustive est impossible. Mais ces personnes, parfois (souvent ?) en situation de précarité sont celles qui ont pu nous permettre de résister à ces deux mois d’enfermement.

Le chômage partiel : bien mais qui paiera ?

Pour certaines activités comme la restauration, le chômage partiel est une aide précieuse. Devant l’impossibilité de maintenir une activité normale, un coup de pouce de l’état pour maintenir ces emplois ne se refuse pas. Pour d’autres, c’est une belle arnaques aux aides publiques. Dans mon entreprise le discours est simple :

On pourrait continuer à faire travailler tout le monde, mais avec la baisse du chiffre d’affaire, ça va nous aider. En plus, notre actionnaire principal fait 200 millions d’euros de bénéfice net annuel, et ils utilisent ce dispositif pour l’intégralité de leurs employés.

Mon directeur

En gros, même si ça aide à garder des liquidités, pourquoi se priver quand c’est l’état (donc nos impôts) qui paie.

Un déconfinement par région potentiellement efficace, mais…

Encore faut-il que notre économie le permette. Aujourd’hui, l’ensemble du pays est dépendant du secteur tertiaire, majoritairement situé en Ile-de-France et dans quelques grandes villes. Le but étant (encore), de limiter les déplacements, chaque région doit pouvoir subsister sans dépendance de ses voisines.

Prenons le recul nécessaire pour repartir du bon pied. Mais ne faisons pas l’erreur d’oublier et d’attendre le prochain mur.

La crise du COVID-19 révèle l’état réel de notre pays

La crise sanitaire actuelle est sans précédent. Nous n’avons pas connu pareille situation depuis la grippe espagnole. Beaucoup jugent les gouvernants sur leurs choix politiques. La France ne fait pas exception. Je ne vais pas faire un procès d’intention, car il n’y a sans doute pas de solution parfaite. Mais je vais tenter de montrer l’impact de certains choix politiques réalisés ces dernières années.

La mamie du Cantal a besoin d’internet

Cette citation de Stéphane Richard, patron d’Orange, était une réponse à l’arrivé de Free sur le marché du mobile en 2012 :

Mais tout ne se résume pas à un prix ! La mamie du Cantal n’a pas besoin de la même offre qu’un geek à Paris.

https://www.lamontagne.fr/aurillac-15000/actualites/mamie-du-cantal-les-propos-du-pdg-dorange-juges-inacceptables_155366/

Réponse très appréciée par le président du département cité :

Le député pointe notamment les clichés et le « raccourci caricatural » de la mamie du Cantal.

Le président du Conseil Général du Cantal craint même que les propos de Stéphane Richard permettent « de justifier demain d’une inégalité de traitement entre les abonnés d’Ile-de-France et ceux des territoires ruraux ».

https://www.nextinpact.com/archive/68096-president-conseil-general-cantal-mamie-stephane-richard.htm

Nous sommes en 2020. Le confinement sollicite fortement les infrastructures télécom, entre télétravail, éducation à distance et VoD. Le problème est que les retards et absences de volonté de déploiement des opérateurs se font sentir dans certaines zones rurales. L’administration dématérialisée y pose problème. Et les « mamies » justement ? Éloignées de leur famille, une part âgée de la population qui habite dans ces zones rurales ne peut pas communiquer avec leurs proches, faute de pouvoir s’équiper. Finalement, la mamie du Cantal doit pouvoir accéder aux mêmes services que le geek de Paris, même si elle les exploitera moins.

La nécessité d’une production intérieure

Le fameux débat sur la disponibilité des masques. Globalement, nous avions trop de stocks après la crise sanitaire de 2009. Nous avons décidé de le réduire en arrêtant les commandes. Nous avions une usine en Bretagne. Cette usine a fermé, faute de commande de l’état. Nous aurions pu maintenir des commande en quantité réduite, afin d’assurer une production minimale, et ne pas laisser périmer le stock actuel. Moralité, nous devons commander en urgence, auprès de la Chine, avant que les Etats-Unis ne les embarquent sur le tarmac, ce qui nous oblige à prendre ceux de la Suède. Une fois arrivée sur le sol français, ils changent parfois de destination à la dernière minute.

A l’inverse, beaucoup d’entreprises françaises ont pu produire du gel hydro-alcoolique. Indépendamment d’un geste « de bonne figure », ça leur a permis de ne pas suspendre leur activité. Elles l’ont seulement adaptée.

Une production intérieure, même de faible volume aurait permis de :

  • Répondre plus rapidement aux besoins de notre pays.
  • Maintenir des emplois qui feront tourner l’économie. C’était le contenu d’un de mes premiers articles.

Un système de santé mis sous pression

Notre système de santé est saturé. Encore faudrait-il ne pas avoir trop mis la pression avant. Nous avons cherché à faire des économies dans le secteur de la santé. Aujourd’hui, nous sommes moins équipés par habitant que d’autres pays, qui ont mieux résisté que nous.

Encore une fois, la question est celle de la répartition territoriale. C’est évident qu’un petit hôpital ne sera pas prêt à traiter toutes les situations. Mais traiter le premier niveau de criticité au plus près des habitants reste une nécessité. Si Après tout, nous avons bien traité des transferts de patients pendant cette crise.

Nous sommes en guerre, mais nous ne sommes pas prêts

Et Bill Gates avait raison. Comme il l’expliquait dans cette vidéo de 2015, nous n’étions pas préparés à ce genre de situation. Plus précisément, les pouvoirs publics de tous les pays occidentaux n’ont pas évalué le risque d’une pandémie.

Roselyne Bachelot avait-elle tort ?

Il y a dix ans, la ministre de la santé de l’époque, Roselyne Bachelot, avait décidé de sortir l’artillerie lourde afin de se préparer contre l’épidémie de « Grippe A ». En pleine crise financière, l’opinion politique avait considéré cette opération comme une gabegie financière. Rétrospectivement, si le scénario avait pris la forme actuelle, l’aurait-on blâmée de cette dépense face aux conséquences économiques que nous allons devoir subir aujourd’hui ?