La transition energétique doit passer par une adoption progressive, mais massive. Aujourd’hui, on fait l’inverse, en montrant une vision élitiste et « hype » de l’écologie.
L’exemple automobile
Comme je l’écrivais dans un article précédent, une partie des automobilistes s’est tourné vers le diesel pour les avantages fiscaux pratiquéss à l’époque plus que pour leurs vrais besoins. Maintenant que la doctrine a changé. Ces utilisateurs « endettés » par leur véhicule actuel ne peuvent même pas espérer le revendre, notamment s’il ne rentre pas dans la bonne catégorie « Crit’Air ». Alors que faire ?
- On pratique le swap ? Interdit.
- Revendre son véhicule ? Impossible s’il ne rentre pas dans la bonne catégorie « Crit’Air ».
- Donc changer de véhicule ? Encore faut-il pouvoir financièrement.
C’est la qu’on assiste à une fracture : plutôt que de permettre aux différentes classes sociales de s’adapter progressivement pour contribuer à la transition, on a « élitisé » ce processus. Pour faire simple, on a les moyens de participer, ou on reste un « pauvre pollueur ».La dernière prime à la casse fait exception, en permettant de profiter d’aides même si le véhicule n’est pas neuf. En effet, remplacer un véhicule de 8 ans par un neuf réduira modérement l’empreinte carbone. Mais remplacer un véhicule vieux de 20 ans par un véhicule vieux de 10 ans la réduira plus, et coûtera moins cher à son propriétaire.
On pourrait autoriser des solutions comme l’adaptation hybride, permettant au plus grand nombre de contribuer à la TRANSITION. Puis la deuxième étape pourrait un arrêt du moteur thermique. Accessoirement, aujourd’hui, on ne mesure pas l’impact de cette bascule électrique.
Autre exemple : l’isolation des batiments et la maison passive
Autre source d’empreinte carbone, le chauffage des logements. Ici le problème est différent. J’approuve l’idée de la loi Duflot qui consistait à punir les propriétaires peu scrupuleux qui louaient des logements mal isolés (et donc le coût de chauffage peux exploser). Mais taxer les propriétaires habitants est une autre affaire. Il faut prendre en compte plusieurs facteurs :
- La situation financière des propriétaires habitants. Tous les propriétaires ne sont pas riches
- La disponibilité d’équipements de chauffage polluant et vendus en toute légitimité. Je pense aux radiateurs « grille-pains » et aux chaudières au fioul (donc « Diesel »)…
- Parfois c’est compliqué d’isoler un batiment, quand les Architectes des Batiments de France s’en mèlent sur des zones classées, par exemple.
Des aides existent pour aider à l’isolation ou au remplacement des solutions de chauffage, mais elles disparaissent on sout réduites d’années en année. Pourtant, cet investissement à grande échelle est intéressant. A l’échelle du citoyen, il permet de réduire sa facture d’énergie. Il peut investir ce gain financier ailleurs. A l’échelle du pays, il permet de générer des emplois et de fortement réduire l’empreinte carbone, en limitant l’énergie perdue.
L’agriculture biologique, le sans gluten, « bien manger » n’est pas pour toutes les bourses
Au début de ce millénaire, des personnes, comme José Bové, ont lutté contre la « malbouffe », alors représentée par les « fast-food ». Il s’agissait alors de lutter contre l’expansion de la culture de plants OGM, et de l’agriculture industrialisée en général. Aujourd’hui, la consommation de produits bio augmente. Mais elle progresse plus vite dans les régions riches. Manger bio coûte cher. Pourtant, est-ce que ça coûte vraiment plus cher à produire ? Oui et non. En terme de coût pur, ce n’est pas plus cher. Par contre, une culture industrielle est plus « simple » à gérer.
En Haïti, l’un des pays les plus pauvres du monde, 95% de la population consomme des produits bio. Comment est-ce possible ? C’est tout simplement parce que la population n’a pas les moyens d’acheter des produits phytosanitaires.
Si on parle d’agriculture non comestibles, des pays, comme le Sri Lanka ou le Burkina Faso, ont fait le choix d’arrêter les cultures de coton OGM. Ces cultures étaient censées être plus résistantes contre les maladies (donc « simplifier la production). Sauf qu’on ne pouvait pas réutiliser les graines stériles, et que les sousches ont fini par dégénérer, donc produire moins.
C’est aussi une question d’assurance (là encore, la « simplicité). En effet, dans le droit français, nous sommes responsables des conséquences de nos actes (ou de ceux que nous n’avons pas fait). C’est la notion de « dommage par négligence ou par action ». Et dans le domaine de la vigne, il arrive qu’une culture biologique malade soit considérée comme la source de maladie du voisin qui a traité. Les affaires finissent alors au tribunal.
Conclusion
Dans la notion de « transition », on imagine une « pente douce », pas une falaise infranchissable. De mon point de vue, certains politiques, parfois à l’origine de nos erreurs de consommateurs, aiment nous montrer du doigt. « L’élite fait bouger les lignes, les autre devraient suivre ». Je préfère illustrer ce qu’est une transition par cette citation :
Un jour, un incendie se déclare dans la forêt. Tous les animaux fuient le danger et se mettent à l’abri. Certains vont se terrer, d’autres se perchent sur les toits et les arbres au-delà de la rivière et assistent sans réagir à la destruction de leur habitat et de leurs nids. Spectateurs passifs, ils jacassent et se lamentent.
Un colibri entreprend d’aller à la rivière, prend une goutte d’eau dans son bec et va la jeter sur le brasier. Puis il recommence ses allers et venues sans se lasser.
Au bout d’un moment, les « spectateurs » remarquent son manège et l’interpellent :
Pierre Rabhi
« Pauvre inconscient, toi si petit, crois-tu pouvoir éteindre l’incendie avec tes gouttes d’eau ? Tu vas seulement réussir à te brûler les ailes. Tu ferais mieux de te mettre à l’abri avec nous, le feu finira bien par s’éteindre. »
Et le colibri répond : « Moi, je fais ma part pour sauver mon nid, et vous, que faites-vous ? Si vous tous unissiez vos forces, l’incendie pourrait être maîtrisé. »